Histoire de l’aviron
L’histoire de l’aviron est multiple. Elle puise ses racines à l’origine des temps dès que l’homme a cherché à se déplacer sur l’eau. L’histoire du sport de l’aviron n’en est qu’une partie. Cette histoire est très difficile à résumer en quelques lignes : histoire des rameurs, palmarès, histoire des bassins, des clubs, de l’architecture sportive, des bateaux, de la pratique, de l’entraînement, de la technique, des clubs, des compétitions, des entraîneurs, des bateaux, de la construction, de l’arbitrage...
Du canotage au rowing : 1830 - 1870
Contrairement à une idée largement répandue en France, le sport de l’aviron n’est pas une simple imitation du rowing, l’aviron anglais. Il faut chercher l’origine de ce sport dans le canotage qui se développe à Paris dans les années 1830-1840.
Navigateurs « généralistes », les canotiers aimaient autant la promenade que la course. Considéré comme l’un des premiers loisirs populaires, le canotage est aussi l’un des premiers sports athlétiques et mécaniques. Les courses à virages, qui se pratiquaient en mer et en rivière (Société des Régates du Havre 1838), étaient des spectacles populaires. Des prix en espèces récompensaient les vainqueurs et le public organisait des paris mutuels. Les grands quotidiens relataient les duels nautiques des équipes les plus célèbres : la Sorcière des Eaux ou le Duc-de-Framboisie utilisaient la presse pour lancer leurs défis « à tous les rameurs de France ».
Progressivement un antagonisme apparut entre les « canotiers à canotières » et les « canotiers sérieux », passionnés de sport. La liberté de comportement des premiers faisait scandale dans la haute société et nuisait à la réputation des seconds qui avaient besoin d’appuis pour obtenir les subventions nécessaires au financement d’embarcations de compétition toujours plus chères.
La Société des régates parisiennes, fondée en 1853, entendait donner une direction unique au canotage en France. Ses buts étaient d’encourager « le goût des courses nautiques » en organisant des régates, de parrainer la création de sociétés en province (trente jusqu’en 1869), et de discipliner le canotage en interdisant les femmes dans les embarcations mais en les acceptant dans les tribunes. La création du championnat de la Seine en skiff, la rédaction d’un code des courses et de règlements ne suffirent pas à effacer la mauvaise réputation. Le modèle aristocratique du rowing fut donc l’ultime recours. Le Rowing Club de Paris devint l’agent de cette nouvelle orientation sportive en important des outriggers, la « nage anglaise » et l’organisation du club avec son boat-house.
En 1867, les « rowingmen » obtinrent la récompense de leurs efforts : les pouvoirs publics confièrent à la S.R.P. et au Rowing Club l’organisation des régates de l’Exposition universelle de Paris. Le succès de ces courses fit de Paris la capitale de l’aviron. Le Second empire correspond à un âge d’or car, hormis les courses hippiques, les régates étaient sans concurrence puisque les sports spectacles d’aujourd’hui n’existaient pas.
Une fédération de sociétés d’aviron : 1870 - 1960
Après la défaite dans la guerre franco-allemande de 1870, l’esprit de revanche suscita un essor du mouvement sportif et associatif qui profita à l’aviron : cinquante sociétés furent fondées de 1872 à 1882. À cette époque, elles étaient souvent omnisports : l’aviron se pratiquait à côté des « sports conscriptifs » (tir, escrime, gymnastique militaire...) et des nouveaux sports athlétiques comme le rugby, le football, le tennis ou le vélocipède. D’autres regroupaient sous un même fanion tous les sports nautiques de leur ville.
En réaction à la domination des rameurs parisiens, les clubs de province se regroupèrent en fédérations ayant leurs propres codes des courses. Les différences dans la définition des embarcations ou des catégories de rameurs rendaient difficiles et houleuses le déroulement de la moindre régate et freinaient tous les projets de fédération nationale. Pourtant depuis la fin des années 1870, les tentatives d’union ne manquaient pas. Mais tous les congrès et conventions échouaient sur la « question des amateurs ».
Si tous les groupements excluaient du statut « amateur » les professionnels de l’eau, mariniers, pêcheurs ou constructeurs d’embarcations de plaisance, aucun accord ne semblait possible sur les prix en espèces : fallait-il les refuser en les dénonçant comme un salaire déguisé ou les accepter comme un moyen de financer des embarcations onéreuses ? Ces querelles affaiblissaient et discréditaient l’aviron d’autant que des sports comme la gymnastique possédaient déjà une structure nationale qui en faisait les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics.
Cette situation amena les dirigeants des trois Fédérations les plus importantes à signer une « trêve diplomatique » qui fit naître la FFSA, Fédération Française des Sociétés d’Aviron, en 1890. Dès lors l’organisation de championnats de France devenait possible.
Certains groupements régionaux n’avaient pas encore décidés de rejoindre la FFSA, qu’une fédération internationale voyait le jour en 1892. La Belgique, l’Italie, la Suisse et la France fondèrent la FISA, Fédération Internationale des Sociétés d’Aviron, et créèrent des championnats d’Europe parce que les régates royales de Henley, considérées comme d’officieux championnats du monde, étaient quasiment interdites aux rameurs amateurs du continent : la définition anglaise de l’amateur excluant ouvriers et travailleurs manuels.
Quand le rowing britannique puisait dans le vivier des écoles et des universités ses champions, l’aviron français dépendaient étroitement de la santé des clubs pour alimenter ses succès internationaux puisque l’équipage champion de France pouvait se présenter aux championnats d’Europe. En fait, les principaux succès de cette période reposaient sur des individus ramant en solitaire ou en double comme par exemple Gaston Delaplane (quatre fois champion d’Europe en skiff avant 1914), Jean Séphériades (vainqueur du Diamonds Sculls aux Régates Royales d’Henley en 1946), Poix et Bouton (champions d’Europe en deux avec barreur en 1913 et en 1920) ou encore Salles et Mercier barreur Malivoire (champions olympiques à Helsinki en 1952). Les équipes mixtes, composées des meilleurs rameurs étaient rares, car aucun congé spécial ne permettait aux athlètes de se regrouper pour s’entraîner ensemble, pourtant, elles apportaient des victoires éclatantes comme le titre de champion d’Europe en huit avec barreur en 1931.
La FFSA participa à la renaissance des Jeux olympiques car Pierre de Coubertin voyait l’aviron comme l’un des sports de base de l’Olympisme. À Athènes en 1896, pour les premiers jeux, les épreuves d’aviron devaient se dérouler dans la rade du Pirée. Au dernier moment, elles furent annulées en raison des conditions atmosphériques.
L’aviron olympique : 1960-1990
À Lucerne, en septembre 1962, les rameurs français ramènent des premiers championnats du Monde une médaille d’or, deux médailles d’argent et une de bronze, plaçant ainsi la France aux côtés des grandes puissances de l’aviron : l’Allemagne, l’U.R.S.S. et les U.S.A. Ce succès de groupe, minutieusement préparé par Pierre Sauvestre, le directeur de l’équipe de France, dans des stages où il réunissait les meilleurs rameurs, resta sans lendemain car, jusqu’au début des années 1990, l’aviron occidental se heurta à la domination, considérée aujourd’hui comme historique, des rameurs de l’Est. Seuls les juniors et de petits groupes résolus réussirent, comme aux championnats du Monde de Karapiro en 1978, à tirer quelques épingles d’un jeu dont les règles n’étaient pas les mêmes pour tous.
L’autre fait marquant qui inaugure cette période est l’engagement massif de l’État dans le domaine du sport. Comme les autres fédérations, la FFSA reçoit désormais de l’État des cadres techniques, des structures pour les athlètes de haut niveau et des subventions, qui favorisent la mise en place d’une politique de développement à long terme.
La FFSA utilise les conseillers techniques pour l’entraînement des équipes de France et dans les régions et les départements pour le développement des clubs et la formation des bénévoles. Pour les athlètes détectés par des sélections nationales en bateaux courts, le nombre de séances d’entraînement a augmenté considérablement et la formule des stages s’est généralisée afin d’uniformiser le coup d’aviron. Le Bataillon de Joinville et l’INS, l’Institut National des Sports (INSEP par la suite) accueillent les rameurs sélectionnés pour leur service militaire et leurs études.
Dans le même temps, une véritable révolution s’est opérée : les clubs ouvrent leur garage à bateaux aux garçons et aux filles des écoles primaires et leur délivrent des brevets de rameur scolaire. La Fédération encourage l’initiation des adolescents en subventionnant l’équipement des clubs ou les achats de yolettes. L’aviron en solitaire, souvent réservé, jusque là, aux seuls propriétaires de skiff, se démocratise grâce aux « skiffs en plastique Fruitet » construits et diffusés en série. Pour l’émulation des jeunes catégories, des championnats de France minimes, cadets et scolaires ont été créés.
La sportivisation de l’aviron est l’une des conséquences de cette période : les clubs ont abandonné leurs autres activités comme le rugby, le tennis ou la natation ; la promenade est devenue l’apanage des clubs de canoë-kayak ; le calendrier des régates s’est allongé et les championnats de France à la mer, spécialités des clubs du littoral depuis le xixe siècle, ont été supprimés.